Et là, soudainement, j’ai peur. Je m’agite. Je n’ai plus envie de rien. Je ne ressens que du vide et de l’angoisse. J’ai déjà été diagnostiquée pour TAG et trouble panique, mais ça s’est beaucoup amoindrit depuis plus de deux ans. J’avais même l’impression d’aller très bien, si ce n’est quelques angoisses occasionnelles et rapides.
En fait en écrivant je me rends compte que ça commence à aller mieux. Je souffle. J’hésitais à prendre un Xanax. L’idée que mon cerveau puisse à nouveau vriller me fait tellement flipper.

Puis il y avait Kacey. Elle a toujours été un peu comme ça, et on accepte les gens qu’on fait entrer dans nos vies avec leurs qualités et leurs défauts. Mais ce soir j’avoue avoir eu du mal à supporter. Elle monopolisait tellement la parole. Des anecdotes sur lesquelles nous ne pouvions pas rebondir, juste écouter. Dès qu’un sujet était abordé, elle coupait la parole et faisait revenir le truc à elle. Quelques uns lui disaient même d’arrêter en riant.
Il y a un côté attachant, où tu sens juste que c’est une fille qui ne se sens pas souvent écoutée, et qui en a vraiment besoin, de parler. Mais c’était juste pas le moment ce soir. Comme ces fois où je l’appelle dans l’espoir de trouver du réconfort auprès d’une oreille attentive parce que ça va pas fort, mais qu’elle ne décroche pas ou que je me retrouve finalement à écouter tous les détails de sa vie. Le truc, c’est que ça m’intéresse vraiment ce qu’elle me dit, parce que c’est mon amie, et que je me tiens au courant de sa vie. Mais l’échange n’est pas vraiment réciproque.
Kacey, c’est le genre de personne à être l’amie de tout le monde, donc finalement de personne. Pas vraiment la tienne en tout cas. Du coup j’ai du mal à ressentir un lien vraiment profond avec elle. Si on lui présente quelqu’un que l’on connaît, elle va boire un café avec le lendemain même. Du coup, elle se retrouve avec énormément de cercles, connus de tels ou tels potes, mais est-ce qu’elle est réellement proche de quelqu’un ?
C’est ça le problème. Même quand elle se confie, j’ai pas l’impression que c’est parce qu’elle se sent vraiment proche de moi ou qu’elle me fait confiance. Elle pourrait se confier à n’importe qui sait l’écouter comme elle l’espère. Je pense qu’elle se sent très seule.

Allez j’arrête de me plaindre. Il y avait Peiyan, et ça pour le coup c’était parfait. On s’éloigne tellement ces derniers temps, ça me sert le coeur. C’était lui mon journal intime avant. Je pourrai mettre ma vie entre ses mains. Peiyan, c’est le genre de mec qui ne te mentira jamais. Et surtout, il y a une certaine pureté dans ses actes et ses paroles impulsives. Pas comme moi ou la plupart des gens, qui peuvent être très calculateur. Je veux dire, bien sûr qu’il va faire en sorte que la situation l’arrange, mais il joue franc-jeu. Parce qu’il en a rien à foutre de paraître égoïste, superficiel, bizarre, arrogant, et n’importe quel autre adjectif que la plupart d’entre nous évite jusqu’à se mentir à soi-même.

C’est réellement ma lumière dans ce monde. Et s’il devait lui arriver quelque chose, je ne m’en remettrai pas.

J’ai pas envie de dormir. J’aime dormir, mais pas m’endormir, ni rêver. L’angoisse que je ressens quand je m’endors, c’est insupportable. On dirait un animal sur ses gardes, c’est trop bizarre. Comme si j’étais en train de mourir. Ou pire, que je ne pouvais plus contrôler mon flot de pensées. Genre, on n’est pas censé être encore conscient quand nos pensées deviennent totalement désorganisées, si ? Comme on n’est pas censé être conscient lorsqu’on rêve, ou quand on a une crise de somnambulisme. Bah moi si, ça m’arrive trop fréquemment. Une fois je me suis vue ouvrir les yeux et dire totalement n’importe quoi à mon ex, sans que je ne puisse rien y faire. Pourtant j’avais quelque chose de bien précis en tête, mais ma bouche déblatérait des phrases en vrac. J’avais déjà oublié quoi, j’ai rigolé de la situation et je me suis rendormie. Une nuit je me suis réveillée persuadée d’avoir trouver LA solution (idem, je me suis assoupie direct et j’ai oublié ma merveilleuse découverte, évidemment). Deux fois je me suis vue être prise dans un délire paranoïaque trop space. Je ne me souviens plus du second, mais en ce qui concerne le premier j’étais persuadée que les fleurs étaient maléfiques, et je voyais des signes partout et qui se reliaient de manière très logique entre eux, notamment sur l’écran de télé que j’avais laissé allumé. Parfois j’ai peur que mon cerveau vrille et que mes hallucinations et délires hypnagogiques ne dépassent du cadre des parasomnies, et qu’ils ne m’assaillent à toute heure de la journée. C’est pour ça que j’ai si peur de devenir schizophrène. Si ça se trouve c’est ça qui me fait peur avec l’endormissement, la perte de contrôle. Ça expliquerait aussi peut-être pourquoi je vais jusqu’à rester consciente lors de cette perte de pouvoir sur mon propre esprit. Parce que j’ai trop peur de lâcher prise.
Pourtant ça ne me le faisait pas quand j’étais petite. Je fais de la paralysie du sommeil depuis mes quatre ans, ça ne m’a jamais inquiétée. Ma peur a peut-être commencé au lycée. Et peut-être que ça s’est accentué en 2018. Peut-être que c’est lorsque ma mère m’a laissé vivre seule ? Non, j’étais toujours défoncée et je m’endormais vite. Peut-être quand j’ai arrêté de fumer des joints ? Je ne sais plus.

Mes rêves, j’en parle même pas. Ils sont tous aussi glauques les uns que les autres. Si je me donnais les moyens d’être réalisatrice et scénariste de films d’horreur, j’exploserais tout les précédents (pas compliqué en même temps).
Il y en a un, de rêve, qui m’a grave marquée. C’était trois petites filles qui étaient sœurs et devaient chacune entrer dans un cercueil. L’ainée commençait, la cadette suivait, elles s’enfermaient tranquillement dans leurs boites sans rechigner. Et quand le tour de la benjamine arrivait, elle se mettait à hurler. Mais un cri… c’était horrible, strident, glaçant, ça me pétrifiait. Un vrai de fantôme quoi ! Et le rêve recommençait, recommençait, avec les mêmes détails, sans que je ne sache quoi faire. Et je redoutais le moment où c’était au tour de la plus jeune. Et puis, à un moment j’ai dit : "J’ai compris." Et je l’ai accompagnée dans son cercueil, sachant que je ne pourrai plus jamais en sortir. C’était à nouveau paisible, et je me suis réveillée. J’avais genre 13 ans. Bref, faudrait que j’écrive une page entière dédiée aux rêves les plus sombres que j’ai fait un jour.

Ouais non, j’aime définitivement pas dormir.

Journée plutôt ensoleillée aujourd’hui. Moins qu’hier, mais au moins il ne pleut pas. Hier on a passé des heures dehors avec Robin, à boire nos cafés, fumer nos cigarettes, parler et rire ensemble, rester les yeux rivés sur nos téléphones ou nos livres, à penser à tout et à rien. C’était cool.
Ensuite j’ai été voir Kenny sur l’île. Je n’étais pas allée à son anniversaire parce que je n’aurai pas été à l’aise avec autant de personnes que je ne connaissais pas. Alors je lui ai promis une bouteille qu’on se descendrait à deux. J’ai pris du champagne. Ensuite Gramz et Alix ont rejoint. Ça faisait longtemps que je ne les avais pas vus. J’ai l’impression que depuis mon refus à ses avances, je n’intéresse plus autant Alix qu’il ne le disait en tant qu’ami. C’est dommage, mais c’est la vie. Comme il faisait vraiment très beau, j’avais mis une jolie petite robe bleue. Kenny et Alix m’ont complimentée.

Quand je suis rentrée, après une longue journée sans voir Bastien, je n’ai pas eu un seul compliment de sa part, ni même un regard. J’ai beau mettre de superbes tenues, il ne le remarque jamais. Il est tellement inexpressif. En fait, il ne m’a même pas demandé comment s’était passé ma journée, ou questionné sur ce que j’avais fait. Je pose les questions et il y répond, c’est tout. Il ne s’intéresse pas à ce qu’il pense déjà avoir. Je me suis endormie vite hier, en lui demandant s’il m’aimait toujours.
Il m’a répondu qu’évidemment, comment pouvais-je demander ça ? Il a passé sa nuit à se coller à moi et à m’enlacer en dormant. C’est triste qu’il ne le fasse qu’inconsciemment.

Ce matin je me suis préparée, et je l’ai réveillé en disant que j’allais prendre un café. Je lui ai mis l’émission de basket qu’il aime tant regarder. Il n’y a pas eu de remerciement. Je suis partie.